Paul Bleser
L'arbre
Requête et plaidoyer pour une déclaration des droits de l'arbre

Deux mille (et quelques) mots pour présenter mon univers de l’Arbre.

Dans les annales de l'édition luxembourgeoise, émerge un événement singulier : un ouvrage inattendu, peut-être pour d’aucuns inconvenant, s'étendant sur plus de sept cents pages, insaisissable par les catégories « éligibles » définies par le ministère de la Culture. Ce livre, aux titre et sous-titre évocateurs, L'arbre. Requête et plaidoyer pour une de Déclaration des droits de l'arbre - Ses racines, son tronc et ses branches, au propre comme au figuré, fut publié à compte d’auteur et adoubé par la préface du professeur Norbert CAMPAGNA.

Dans mon univers d’auteur, l'arbre ne se confine pas à sa silhouette physique solitaire ; il englobe les entités qui l'entourent, celles qui le définissent et l'influencent : êtres humains, animaux, forêts, terre, atmosphère, climat, eau… Pour moi, exposer l'arbre dans son milieu naturel représente un impératif fondamental.

Cette œuvre, éditée à seulement cinq cents exemplaires -et publiée dans un mutisme médiatique absolu-, ne projette point de se réincarner en une seconde édition. Cette absence d'édition future n'enraye pourtant pas la volonté de maintenir l'ouvrage constamment actualisé via le site www.arbre.lu.

Mes compétences et l'expertise professionnelle semblent, à première vue, éloignées du sujet de mon œuvre. L'emploi du terme « requête » évoque ma formation juridique, tandis que le thème de l'arbre, bien que non intégré à mes occupations professionnelles, hante mes pensées depuis des décennies. Ainsi, les premières pages de l'ouvrage, abordant l'aspect juridique de la demande, ne doivent point décourager le lecteur.

« LA NOTORIÉTÉ D’UN ARBRE, une histoire à narrer »

Un épisode bien précis a transformé le vague sentiment d'affection et de protection que j'entretenais pour l'arbre -spécifiquement le mien- en une réflexion structurée se donnant pour dessein d’explorer les racines profondes de ces émotions.

D'où provient cet amour pour l'arbre ? Et surtout, comment présenter et faire aimer un être ? Louer ses vertus, le dépeindre aux lecteurs tel un ami infatigable et irremplaçable, souligner son omniprésence dans le quotidien... Tout cela afin de lui témoigner un respect en tant qu'entité vivante, méritant considération. Mais commençons par une motivation simple : la « notoriété », cette capacité à connaître et aimer une personne, une plante ou un objet ordinaire (une étoile, une rose, une voiture ancienne !) grâce à l'influence qu'elle exerce sur nos sens.

Quant à la « notoriété » de mon arbre, il s'agit d'un chêne planté vers 1710 (bien que la date exacte demeure incertaine), selon les cartes Ferraris. Autrefois, les arbres délimitaient les parcelles de manière plus fiable que les bornes. Actuellement, mon arbre puise ses racines dans la parcelle acquise en 1973 pour y ériger ma demeure.

Aux abords de mon terrain s'étendait un vaste pré, propice à l'érection d'un petit lotissement, une option envisagée vers 2012. La commune, co-propriétaire, avait élaboré un plan d’aménagement, cependant dépourvu de mesures de préservation autour de l'arbre, alors déjà qualifié d'«arbre remarquable». Malheureusement, sa majestueuse couronne s'étendit progressivement et largement au-dessus des terrains adjacents, couvrant près d'un tiers d'un terrain constructible. Ses robustes branches, s'étirant sur une dizaine de mètres, frôlaient le sol à deux mètres de hauteur, une distance dépendante de l'appétit des vaches qui paissaient sous cet arbre depuis des temps immémoriaux.

Compte tenu de la valeur actuelle du foncier, la tentation de récupérer cette portion de terrain -en l’état inexploitable pour la construction- était indéniable et compréhensible. Encore fallait-il couper des branches ou, plus simplement, abattre l'arbre, même « accidentellement » … Toute tentative sérieuse pour résoudre ce réel dilemme ayant échoué, j'ai pris la décision d'entreprendre les démarches pour son classement en tant que monument national.

Cette initiative fut entamée, interrompue, poursuivie, et finalement achevée à l'issue d'une procédure judiciaire contentieuse, dont les détails sont narrés dans l'ouvrage.

Un arbre de trois cents ans, officiellement qualifié de « remarquable », monument national protégé, vedette de certains programmes télévisés, source d'inspiration pour mon livre, menacé de destruction en raison d'un projet d'urbanisation… Qui pourrait contester sa notoriété ?

LE BESOIN DE PARTAGER UNE EXPÉRIENCE

La nécessité d'activité intellectuelle durant la retraite se fit plus pressante lors de la pandémie de Covid, durant cette période initiale d'isolement. Une époque où l'on redoutait que la vie sociale et culturelle ne soit paralysée en raison des mesures de précaution prises pendant la pandémie. Pour moi, c'était le moment propice pour initier et développer un projet : écrire un livre sur l'Arbre. Non pas pour ajouter un volume supplémentaire à la pile d'ouvrages invendus, mais pour offrir une œuvre originale, tant sur le fond que sur la forme.

J'espère que les pages qui suivent sauront confirmer les espoirs que j'ai placés dans ce livre, que le public sera touché par la « Déclaration des Droits de l'Arbre » et que, tôt ou tard, cette dernière sera adoptée également au Luxembourg.

À QUI S’ADRESSE CE RECUEIL ?

En tournant mes regards vers quelques-uns des journaux luxembourgeois, une idée a germé : solliciter une évaluation de mon ouvrage auprès de plumes journalistiques, qu'elles soient néophytes ou chevronnées dans le domaine. Il est fort probable qu'une multitude de curieux ignorent l'existence de ce recueil englobant une pléthore de sujets annexes, enrichis et actualisés sur le site www.arbre.lu. Une telle découverte ne saurait qu'éveiller l'intérêt d'une certaine frange de lecteurs, notamment dans le contexte contemporain :

  • Les esprits avides de culture générale. Les thématiques abordées dans cet ouvrage, minutieusement explorées dans 34 sections sous l'intitulé "notes", (et répertoriées sous « recherche par numéros » pour les notes infrapaginales du livre (1-1345) et sous "recherches par mots-clés" sur le site de l'arbre.lu), dépeignent la vaste étendue du thème de l'arbre. Ces sujets retracent les liens de l'arbre avec les domaines artistiques (peinture, sculpture, musique, cinéma, bande dessinée, photographie, décors), l'architecture, l'histoire, l'économie, la littérature, les proverbes et citations, le droit, le culte, la cuisine, la mythologie, les rêves et songes, la médecine, la philosophie, l'écologie, la culture, les sciences, la sylviculture, la déforestation et la reforestation, et bien d'autres encore. Une abondante bibliographie dédiée orientera le lecteur dans ses choix quant aux domaines à approfondir.
  • Il est essentiel de mettre en exergue l'innovation technique de cette œuvre, à savoir l'exploitation des médias numériques. Un système de renvois en bas de page facilite une lecture aisée via les liens intégrés au site, garantissant une actualisation constante des nombreux sujets abordés. Peut-on trouver sur le marché un livre offrant une pléthore d'informations sur l'arbre équivalente ?
  • Par-dessus tout, n'oublions point la teneur politico-juridique véhiculée par ce recueil : les hommes politiques et les juristes sont invités, voire encouragés, à se familiariser avec un mouvement d'envergure internationale qui aspire à octroyer une personnalité juridique à certains éléments de la nature. Cette "requête" cherche à altérer le statut légal de l'arbre, à lui conférer une personnalité juridique adaptée, à l'opposé du statut d'objet qui est actuellement le sien dans le Code civil, tel un ustensile de cuisine. La "Déclaration des droits de l'arbre", adoptée en France, est reproduite aux pages 92 et suivantes de cet ouvrage.
  • Les instances municipales, les institutions, et les associations dédiées à la préservation de la nature se verront gratifiées d'une profusion d'idées en lien : avec l'instauration de plans verts (intégrant les Arbres en milieu urbain et les Chartes de l'Arbre); avec la pratique de l'élagage écologique; dans la lutte contre les maux qui affligent les arbres, tels que les virus, les insectes, le gibier et les champignons.
  • Grâce à la narration de l'actualité, les historiens seront ultérieurement capables de reconstruire notre posture et nos démarches actuelles face au défi du changement climatique.

QUEL EST LE DILEMME?

Confrontée à la multitude de problématiques secouant le globe, la question du statut de l'arbre, et plus largement des éléments naturels, risque fort d'être temporairement cantonnée à une controverse entre les érudits du droit et les botanistes... Une querelle digne des débats byzantins !

En est-il ainsi ? Du fait de la prise de conscience des enjeux posés par le changement climatique, l'évidence scientifique a triomphé dans le différend opposant les climatosceptiques.

Dorénavant, le terrain semble être préparé pour aborder de manière scientifique l'origine des perturbations, mais également, et surtout, les solutions envisageables : l'étude des écosystèmes abritant les êtres vivants, ainsi que des interactions entre ces derniers et leur environnement; c'est précisément là la quintessence de l'écologie dans le domaine des sciences. Dans la pratique, il importe d'atteindre un équilibre plus harmonieux entre l'homme et son milieu naturel, ainsi que de veiller à sa préservation.

Dans ce vaste chantier, des investigations sont menées dans une diversité de domaines, parmi lesquels émerge, il y a une cinquantaine d'années, la question cruciale de savoir si les mesures de sauvegarde actuelles et à venir, ancrées dans une infrastructure juridique solidement établie, voire appliquées, répondraient à un objectif clairement défini : instaurer un meilleur équilibre entre l'homme et son environnement naturel, tout en assurant la protection de ce dernier.

La nature et ses éléments non humains sont traditionnellement perçus, dans la législation et les pratiques courantes de la plupart des nations, comme des objets, en dépit du fait que certains de ces objets, qu'ils soient animaux ou végétaux, demeurent des êtres vivants.

Il est indéniable que, au sein de certaines civilisations anciennes de notre continent, notamment celles celte, grecque et romaine, ainsi que d'autres qualifiées de primitives et indigènes, une inclination à diviniser les éléments de la nature, qu'ils fussent animés ou inanimés, prévalait - une orientation diamétralement opposée à la nôtre. Il va sans dire que cette approche engendrait des relations de proximité bien plus empreintes de respect que celles que nous entretenons de nos jours. Cependant, il est tout aussi incontestable que ces cultures, rythmées par des cycles économiques naturels, n'ont guère influé sur les équilibres naturels, contrairement à nos exploits contemporains.

Il serait superflu de rappeler les multiples ravages, les dégâts considérables infligés à la nature depuis les prémices de l'ère industrielle. Des répercussions en chaîne ont été établies, révélant in fine que les atteintes portées à la "nature" sont aptes à semer la discorde au sein de cette structure architecturale gigantesque qu'est la Nature. Ces méfaits, de surcroît, altéreront de manière préjudiciable nos modes de vie, notre comportement et même notre survie.

Face à cette situation, l'homme a réagi.

Depuis des décennies, des mesures de "protection de la nature" ont été énoncées et mises en œuvre, avec l'espoir de voir émerger des résultats positifs, tels que l'atteinte de la "neutralité carbone" d'ici à 2050, marquant l'équilibre entre les émissions de carbone et son absorption par les puits de carbone atmosphériques.

Interrogation subsidiaire : Est-ce là le seul problème à résoudre ?

Bien que nous ne mettions aucunement en doute la volonté des dirigeants politiques de promouvoir une politique en conformité avec cet objectif, certains scientifiques manifestent leur scepticisme quant à la concrétisation de cet objectif en soi, notamment dans le délai imparti. Des lenteurs, des résistances et des oppositions, à tous les échelons décisionnels et exécutifs, émergent face aux contraintes inévitables. Toutefois, des scientifiques bienveillants s'efforcent de concevoir des solutions viables, susceptibles d'être acceptées par l'homo economicus, avide de préserver le statu quo de son bien-être.

Dans ce contexte, des juristes, soucieux de dénouer le processus hésitant, avancent l'opinion que l'infrastructure juridique actuellement en vigueur dans divers pays, fondée sur l'idée de protéger la nature et ses entités - des objets juridiques, c'est-à-dire des entités dépourvues de droits mais sur lesquelles s'exercent des droits émanant des sujets juridiques - n'a pas engendré de résultats satisfaisants. Par ailleurs, l'absence d'un organe international puissant compromet l'efficacité des mesures adoptées par une série d'États.

L'absence de droits à l'égard de celui qu'on aspire à protéger évoque curieusement la dynamique entre le maître et son esclave. C'est cette analogie que j'explore, concluant que l'esclave ne saurait demeurer un simple objet de la sollicitude sociale ; il doit acquérir le statut juridique d'un homme libre, sanctuarisé par la Déclaration des Droits de l'Homme.

Certains juristes suggèrent ainsi d'attribuer à la nature, à des entités spécifiques, une personnalité juridique, à l'instar de ce qui s'est réalisé en faveur des esclaves. Cette personnalité juridique serait dotée d'obligations et de droits envers des tiers et d'autres sujets de droits.

En adhérant à la Charte des Droits de l'Homme, les humains, en tant que sujets de droit, se préservent mutuellement. De la même manière, en tant que sujet de droit, la Nature se protège des autres sujets de droits, notamment la société humaine.

Il serait inopportun dans le cadre de cet article de développer exhaustivement cette idée, bien que controversée, ainsi que le fonctionnement du système juridique qui en découle. À ce sujet, je renvoie le lecteur à mon ouvrage, où la discussion entre l'approche philosophique de N. Campagna et l'approche juridique de P. Bleser est reproduite en annexe.

Résumer la problématique en une question s'avère nécessaire : Faut-il accorder des droits à la Nature ? Cette question, déjà soulevée par M. Edgard ARENDT dans un article du "Forum" il y a quelques années, demeure pertinente.

À ce stade de la discussion, une interrogation émerge : Comment adopter cette nouvelle approche du développement du Droit du vivant ? Mobiliser le public et expliquer la rationalité de cette démarche semble impératif, d'autant plus qu'elle ne semble ni nouvelle ni étrange, à la lumière de nos connaissances historiques.

Une question non négligeable subsiste également : À qui nuirait une telle approche et quel en serait le coût ?

Pour répondre à quelques-unes de ces questions, j'ai formulé des réflexions synthétisées dans le chapitre "REQUÊTE" (Pages 17-90). Le chapitre II (2) explore l'approche juridique envisagée. Le chapitre II (3) dévoile une histoire de l'Arbre parallèle à celle de l'Homme, révélant des similitudes étonnantes mais vérifiables. Le chapitre II (4) expose dans quelle mesure les arbres sont nos alliés, en tant que réservoirs de carbone et acteurs dans la dépollution de nos terres, luttant contre la désertification. Le chapitre II (5) traite des déforestations massives sur tous les continents, des appels des peuples menacés, soutenus par des experts, que je cite en tant que témoins pour ma requête. Le chapitre II (6), consacré à l'arbre dans les cultures littéraires et artistiques, représente pratiquement un livre dans le livre.

Les quelque 600 pages qui suivent comprennent 34 "notes" explicatives et informatives couvrant une gamme variée de sujets liés à l'arbre. Elles renvoient en partie aux sujets énumérés dans le livre et cités précédemment. En consultant les "Recherches par mots clés", une vue d'ensemble de cette encyclopédie de l'arbre s'offrira au lecteur.

À noter également le volumineux chapitre V sur la bibliographie (pages 632-690), répertoriant les références bibliographiques : auteurs par ordre alphabétique, publications diverses sur l'Arbre, et environ 140 sites liés à nos connaissances sur les arbres, destinés à l'éducation et à la pédagogie. Les annexes (VI) contiennent les commentaires de M. Eric BRUCH, la discussion mentionnée précédemment entre MM. N. CAMPAGNA et P. BLESER, ainsi que les observations de M. Raphaël MEYER, juriste et ancien avocat en Droit de l'Environnement.

Luxembourg en janvier 2024
Paul Bleser